Le 30 août 2023, alors que le Conseil gabonais des élections (CGE) a annoncé la réélection d’Ali Bongo Ondimba, l’armée a décidé de prendre le pouvoir. Sous la bannière du Comité de transition pour la restauration des institutions (CTRI), toutes les forces de sécurité et de défense se sont réunies pour contester les résultats annoncés par le CGE et remettre le pays à plat. Aujourd’hui, samedi 7octobre 2023, un mois et sept jours se sont écoulés depuis. C’est l’occasion pour nous de faire une analyse de la situation de façon globale.

Le 30 août 2023 aux alentours de 4h du matin (heure du Gabon), le CGE a annoncé la réélection d’Ali Bongo Ondimba avec 64,27% contre 30,77% pour Albert Ondo Ossa, candidat consensuel d’une bonne partie l’opposition gabonaise, réunie dans la mouvance Alternance 2023, avec Alexandre Barro Chambier, Paulette Missambo, René Ndong Sima et Mike Jocktane notamment. À la suite de cette annonce, les forces de sécurité et défense se sont fédérées pour monter au créneau via le CTRI. C’est la première fois que les forces de sécurité et de défense se rangent du côté du peuple gabonais dans sa majorité, qui a eu toujours soif de changement. Tout naturellement, nous avons pu assister à une liesse populaire. Partout dans le pays, les gens étaient ivres de joie et c’est on ne peut plus normal au vu de ce qui s’est toujours passé auparavant.

Quelques rappels historiques

Depuis l’avènement du multipartisme au début des années 1990, il y a eu des crises post-électorales à presque chaque élection présidentielle. C’était notamment le cas 1993, en 2009 et en 2016. En effet, les résultats validés et annoncés par la cour constitutionnelle étaient trop souvent en déphasage avec les aspirations du peuple, qui ne s’y retrouvait pas et qui manifestait son mécontentement face à ce que beaucoup considéraient comme des coups-d’État militaro-électoraux vu la connivence entre l’armée et le pouvoir en place pour le maintien d’un pouvoir considéré comme illégitime et criminel. C’est un secret de polichinelle au Gabon. En 1993 et en 1998, Paul Mba Abessole et Pierre Mamboundou Mamboundou auraient respectivement gagné la présidentielle mais c’est Omar Bongo Ondimba qui a été désigné vainqueur grâce à l’enracinement du parti démocratique gabonais (PDG) dans toutes les sphères politico-administratives du pays, un héritage du parti unique. Idem en 2009 et en 2016 pour André Mba Obame et Jean Ping mais c’est Ali Bongo Ondimba qui a été déclaré vainqueur à chaque fois. Une situation qui n’étonne pas vraiment vu la proximité entre Marie-Madeleine Mborantsuo et la famille Bongo Ondimba, elle qui est reconnue officieusement comme l’une des nombreuses maîtresses d’Omar Bongo Ondimba avec qui elle aurait un ou plusieurs enfants.

Une élection présidentielle 2023 entachée de plusieurs irrégularités

Le 26 août 2023, les gabonais étaient appelés à se rendre dans les bureaux de vote pour participer à la première élection générale de l’histoire de leur pays. En effet, à l’exception de la diaspora qui ne devait se focaliser que sur la présidentielle, il s’agissait aussi pour l’électorat gabonais d’élire les députés et les maires. Après une campagne de révisions des listes électorales, qui s’est plutôt bien passée dans l’ensemble, c’est avec stupéfaction que plusieurs électeurs ont appris la suppression de leurs bureaux de vote, dans la diaspora notamment. Ce fut par exemple le cas au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Rwanda, en Tunisie, au Canada ou encore dans certaines villes de France. Par ailleurs, certains bureaux de vote ont ouvert en retard. Dans d’autres, il manquait les bulletins de certains candidats. Pire, dans d’autres encore, on pouvait retrouver les bulletins de certains candidats qui se sont finalement désistés.

Mouvement révolutionnaire ou “révolution de palais” ?

Quelques jours après la prise du pouvoir par le CTRI, Albert Ondo Ossa est passé sur TV5 Monde. Interrogé sur l’actualité brûlante du pays, ce dernier a dit entre autre qu’il s’agirait d’une “révolution de palais” orchestrée par Pascaline Bongo Ondimba. Si au départ ses propos passaient mal et contrastaient avec la joie qui animait beaucoup de gabonais, plus le temps passe, les événements se succèdent et lui donnent raison. Déjà, certaines nominations font grincer les dents à l’instar d’Arnaud Engandji nommé conseiller spécial des hydrocarbures à la présidence, de Guy Patrick Opiangah nommé ministre des mines, de Jean-François Ndoungou nommé président de l’Assemblée nationale ou encore, de Fabrice Andjoua Bongo Ondimba nommé directeur de la Direction générale de la concurrence et de la consommation (DGCC). Ce ne sont pas forcément leurs compétences qui sont remises en cause ici mais l’image négative qu’ils renvoient aux populations à cause de leur proximité avec leurs bourreaux. Outre les nominations de certains personnages sulfureux, il y a la création de postes inutiles et budgétivores comme celui du vice-président ou des hauts commissaires de la République sans oublier le maintien du sénat dont on se demande bien l’utilité au Gabon. À croire que ce mouvement n’était qu’une manœuvre du système Bongo-pdg d’anticiper un éventuel soulèvement populaire, qui aurait pu profondément bouleverser le pays, sérieusement rebattre les cartes et déboucher sur une véritable révolution. Aujourd’hui, on assiste plus à une guéguerre entre les caciques dudit système, en pleine régénération, et le clan de Sylvia Bongo Valentin, qu’à autre chose. Même Ali Bongo Ondimba, qui a vraiment des comptes à rendre à la nation, est libre de ses mouvements sous le prétexte qu’il a une santé fragile et qu’il pourrait aller se faire soigner à l’étranger alors que celui-ci a toujours prétendu avoir rénové le système de santé gabonais. L’euphorie de départ laisse donc de plus en plus place à la suspicion et à la déception.

Une lueur d’espoir malgré tout

Quelles que soient les motivations du CTRI, ce qui s’est passé au Gabon le 30 août dernier est inédit et restera gravé dans la mémoire collective à jamais. Cette transition demeure une page blanche dont tout le monde peut participer à l’écriture pour l’élaboration d’un vrai projet social, qui conviendrait à tous.