extrait de Synergies Afrique des Grands Lacs n° 8 – 2019 p. 31-43

De manière générale, la famille et l’école sont considérées comme les deux principaux cadres de socialisation pour l’apprentissage des langues. Qu’en est-il dans le contexte gabonais ? Un état des lieux s’impose.

1 Les langues gabonaises dans le milieu familial

Pour examiner le niveau d’apprentissage des langues gabonaises dans le milieu familial, nous avons choisi de présenter les résultats d’une enquête sociolinguistique réalisée au début des années 2000 avec les élèves des écoles publiques et privées dont le niveau se situe entre le CE2 et le CM2.

Les résultats statistiques de cette enquête confirment la place prédominante du français au sein des familles gabonaises, malgré l’absence de certaines informations dans le tableau. L’enquête montre que le fang, le nzebi et le kota sont les langues les plus parlées dans le cadre familial. Le gisir demeure la langue qui ne se transmet plus du tout dans les familles. Or, notre vécu personnel nous permet d’émettre quelques réserves par rapport à cette idée. Dans la ville de Libreville même, nous connaissons des familles de collègue chez qui la transmission du gisir est pourtant une réalité quotidienne. Ainsi, dire que la langue gisir se transmet très peu nous parait concevable. Affirmer en revanche que cette langue ne se transmet plus du tout dans les familles est invraisemblable.


Si la mère joue encore un rôle important dans la transmission de la langue, en l’occurrence en milieux fang, nzebi, et teké, le groupe des pairs, les fratries et les pères sont ceux qui, par ordre d’importance, utilisent très peu les langues locales comme moyen de communication. Nous constatons aussi une certaine pratique du français chez les grands-parents, notamment chez les myènè, les téké et dans une moindre mesure chez les fang. Mais l’on peut s’interroger toutefois ici sur le niveau de langue pratiqué par ces grands-parents au regard du niveau d’instruction des 54% des gabonais âgés de 15 à 64 ans ayant un niveau primaire (Gabon-FNUAP, 2001 : 16-19). A la lecture des données statistiques de cette enquête sociolinguistique, il apparaît que la transmission des langues gabonaises en milieu familial paraît difficile d’une part, et que d’autre part la langue française occupe une place prépondérante.

2 Les langues gabonaises en milieu scolaire

Les langues gabonaises n’ont pas toujours été utilisées comme outils de transmission des savoirs. Toutefois, l’expérience des missionnaires catholiques et protestants dans l’évangélisation des populations indigènes est à souligner. En effet, l’utilisation du catéchisme traduit en langues locales a énormément facilité la mission d’évangélisation des peuples du Gabon.


Le manuel « Rapidolangue» (1996), édité par la Fondation Raponda Walker pour la science et la culture, a été le premier support pédagogique et didactique phare qui a servi à l’apprentissage scolaire des langues gabonaises. Cette expérience était limitée à quelques établissements de l’enseignement privé catholique de Libreville (Institution Immaculée Conception, collège Notre Dame de Quaben, collège Bessieux, collège Sainte Marie) et à un établissement d’enseignement public (lycée National Léon Mba).

Ce manuel didactique, élaboré sur la base des travaux de Monseigneur Raponda Walker (premier prêtre gabonais 1871-1868), a permis le lancement de l’enseignement de six langues gabonaises : le fang, le punu, le myènè, le tsogo, le nzebi et l’obamba. « Rapidolangue » est conçu pour 2 niveaux, avec chacun 2 volumes. La méthode de cet ouvrage repose sur quelques principes simples : l’utilisation des méthodes audiovisuelles, l’utilisation du vocabulaire fondamental, l’absence de grammaire traditionnelle, la mémorisation des textes et l’utilisation des cassettes stéréo (Guérineau, 2002 :15). Faute de subventions de l’Etat pour le paiement d’honoraires des enseignants de langues nationales, il n’existe plus de cours d’apprentissage des langues gabonaises en milieu scolaire au Gabon depuis 2010.